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Identité linguistique dans la Diaspora Malienne :
La langue n’est pas un matériel unique dans la construction identitaire ; plusieurs groupes bâtissent leur identité sur une base ethnique, nationale, religieuse ou même culturelle qui n’inclut pas la langue. Par ailleurs, pour les groupes qui la retiennent comme substance identitaire, la langue revêt souvent un caractère fondamental, central, vital.
La construction identitaire est, par définition, complexe parce qu’elle résulte d’un croisement de regards entre un communiquant qui cherche à imposer à son partenaire.
Si on retient que parler, c’est participer à une mise en scène du langage ouverte, jamais totalement close, jamais terminée ; que parler est une lutte permanente pour conquérir le droit à sa propre existence ; que parler, c’est, qu’on le veuille ou non, vouloir influencer l’autre, alors, on comprend que parler soit à la fois témoigner de son identité et construire l’identité de l’autre, de même qu’écouter l’autre, c’est tenter de découvrir derrière son discours le paysage de sa culture.
Il est clair que la langue est nécessaire à la constitution d’une identité collective, qu’elle garantit la cohésion sociale d’une communauté, qu’elle en constitue d’autant plus le ciment qu’elle s’affiche. Elle est le lieu par excellence de l’intégration sociale, de l’acculturation linguistique, où se forge la symbolique identitaire. Il est également clair que la langue nous rend comptable du passé, crée une solidarité avec celui-ci, fait que notre identité est pétrie d’histoire et que, de ce fait, nous avons toujours quelque chose à voir avec notre propre filiation, aussi lointaine fût-elle. Il n’empêche que le rapport de la langue à l’identité est complexe, car il ne s’agit pas seulement de la langue mais aussi de son usage.
La langue a-t-elle un rôle identitaire ? C’est une idée qui remonte au temps où les langues commencent à être codifiées sous forme de dictionnaires et surtout de grammaires. En Europe, au Moyen-âge, commencent à fleurir des grammaires correspondant à l’effort pour tenter d’unifier des peuples dont les composantes régionales et féodales sont en guerre entre elles. Plus tard, au XIX e siècle, la formule « une langue, un peuple, une nation » a contribué, à la fois, à la délimitation de territoires nationaux.
La langue n’est pas le tout du langage. On pourrait même dire qu’elle n’est rien sans le discours, c’est-à-dire ce qui la met en œuvre, ce qui régule son usage et qui dépend, par conséquent, de l’identité de ses utilisateurs. Cela veut dire que ce n’est pas la langue qui témoigne des spécificités culturelles, mais le discours.
Quoi de plus complexe que la question de la dimension culturelle du langage, qui se double de la question de l’identité ? On peut dire que des questions se posent à ce propos :
(i) Qu’est-ce que l’identité d’un individu, qu’est-ce que l’identité sociale et/ou culturelle d’un groupe, et sont-ce les mêmes ?
(ii) Par quoi se constitue l’identité, par le comportement des individus dans leur vie collective, par leur langage ?
Ces questions montrent que traiter de la dimension culturelle du langage n’est pas affaire aisée, d’autant moins qu’il s’agit de savoir de quoi l’on parle quand on parle de langage : s’agit-il de la langue dont on dit qu’elle est la marque par excellence de l’identité d’un peuple ?
Cette idée voudrait que l’on puisse se reconnaître comme appartenant à une collectivité unique, grâce au miroir d’une langue commune que chacun tendrait à l’autre, langue censée être la même pour tous et dont l’homogénéité serait le garant d’une identité collective. La symbolique de l’identité d’une communauté à travers sa langue repose sur plusieurs notions, dont celle de la filiation. La notion de filiation dit que les membres d’une communauté linguistique sont comptables de l’héritage qu’ils reçoivent du passé, ainsi s’est construit la symbolique du génie d’un peuple : nous serions tous les dépositaires d’un don qui nous serait transmis de façon naturelle : la langue.
Dans certaines circonstances socio-historiques, la langue joue un rôle de représentant d’une identité ethnique, sociale ou nationale. Cela se produit chaque fois qu’une communauté se sent menacée, ou veut reprendre une identité perdue comme au Mali ou d’autres pays qui ont connu une colonisation politique.
Cependant, on observera que de tout temps, et ce malgré des nostalgiques de la purification ethnique, les sociétés se composent, bien que de façon variable selon les circonstances historiques, de multiples communautés qui s’entrecroisent sur un même territoire, ou se reconnaissent à distance ce que l’on appelle des « diasporas ».
Ces diasporas se construisent autour de valeurs symboliques qui les inscrivent dans des filiations historiques diverses, mais des communautés qui sont davantage des communautés de discours que des communautés linguistiques.
La migration malienne qui est une des plus importantes en France, met trois langues en présence sur la dizaine de langues reconnues au Mali comme langues nationales : le soninké, le peul et le bambara.
Le soninké est la plus parlée en France du fait de la migration massive des Soninkés. Elle est la langue la plus utilisée en tant que langue maternelle parmi les travailleurs immigrés du Mali mais aussi d’autres pays africains (Sénégal, Mauritanie) en France.
Cependant, il est judicieux de faire remarquer que beaucoup de bambaraphones l’étaient avant leur migration, mais la place du bambara dans leur répertoire linguistique a pris plus assez d’importance en France, au détriment de leur langue ethnique (sénoufo, minyanka, kagoro…). Cette particularité du bambara est due au fait qu’elle est une langue véhiculaire (ses fonctions sont donc les mêmes au Mali et en France).